Depuis des années M Perra ne se
lasse pas d’utiliser un procédé particulièrement efficace destiné à faire
passer les personnes se réclamant du courant de pensée anthroposophique pour
des fous à clochettes. M Perra se fait un devoir moral de resservir à ses
lecteurs ou auditeurs le même plat réchauffé de pseudo citations délirantes attribuées
à Steiner, dont voici un simple extrait que l’on peut trouver dans son
interview récente du journal Point : « … pour Steiner, l’éléphant
serait un nez sur pattes… les chevaux des hypertrophies pointes lorsqu’ils
galopent, les oursins seraient des oreilles indépendantes flottant dans les
océans, les limaces des langues solitaires parcourant les champs, etc., tandis
que l’Homme serait un composé équilibré et harmonieux de tous les
organes/animaux réunis en un même corps… » (1)
Soutenu par la crédibilité que
lui confère son statut de spécialiste, Mr Perra sait très bien qu’il fera
mouche à tous les coups en identifiant ce genre de révélations délirantes à ce
que les «anthroposophes» revendiquent comme étant une science issue de de la
méthode goethéenne.
Il est pourtant extrêmement
facile de procéder de la sorte avec n’importe qui.
De la manipulation des
citations
Ainsi serait-il possible de
prêter au célèbre biologiste Jean Rostand l’affirmation délirante que
l’homme est « le petit-fils des poissons », « l’arrière-neveu de limaces » (2)
tel qu’il l’écrit littéralement dans l’un de ses traités. Mais…serait-ce
intellectuellement correct et moralement loyal ?
Que l’on s’imagine quelqu’un qui
présenterait certaines idées propres à la science moderne à des personnes n’en
possédant pas le moindre concept. Et qui le ferait de cette façon-là
:
« Ceux qui se prétendent scientifiques jureraient que les fruits, les animaux
et toutes choses de ce monde sont construits avec des minuscules objets que
personne n’a jamais vu mais qui ressemblent à des petites étoiles ! Et tout
autour, ils imaginent des petits satellites invisibles qui tournent autour à
toute vitesse! Je n’invente rien, ils les dessinent comme ça, allez donc voir à
la p 36 de l’encyclopédie… c’est écrit en toutes lettres »
Du délire donc, porté par des illuminés
excluant toute rationalité, preuve et citations à l’appui ! Une telle présentation crée l’illusion d’une analyse
documentée.
Certes, mais certains petits détails ont
été omis… En
manipulant ainsi les citations et en ridiculisant la manière de les formuler,
j’ai ôté les concepts permettant de saisir une cohérence d’ensemble et jeté à
la volée des éléments épars en les juxtaposant, en vue de créer un effet.
C’est au sens le plus strict du terme ce que fait très
exactement Perra lorsqu’il prétend présenter les contenus de
l’Anthroposophie de la manière dont il le fait en permanence.
Dans son compte rendu du procès de 2013, qui l’a opposé à la
fédération des écoles Steiner, Perra se fait une joie de relater ce qu’il a
lui-même déclaré aux juges lorsque le président lui a demandé quelles
étaient les croyances des anthroposophes :
« Moi (GP): Il
y en a un grand nombre…l’ancêtre de tous les êtres vivants était une Méduse qui
flottait dans l’albumine quand la Terre était encore à l’état liquide…
Le Président :
?????????????????????????????
(Gros malaise chez
les anthroposophes présents dans la salle (3)) »
Non,
Il n’y avait certainement pas un « gros malaise chez les
anthroposophes », comme le prétend G Perra, mais le sentiment particulièrement aigu de la manière dont la déloyauté
pleinement réalisée peut prendre le masque de la vérité.
Ni restitution, ni
présentation, ni réfutation…
M Perra possède en outre le talent de donner
l’impression d’avoir réfuté les conceptions philosophiques ou scientifiques de
Steiner. Dans un article supposé présenter l’idée « d’individualisme
éthique » chez ce dernier, Perra évoque la démarche goethéenne que Steiner
a particulièrement développée : « Notre sujet étant ici l’individualisme
éthique, nous ne développerons pas davantage les
fondements de cette prétendue science goethéenne de la nature … dont le lecteur peut se faire une idée de l’insuffisance
épistémologique à travers ce que nous en avons dit. ». (4)
Le problème est que Perra n’en
n’a jamais rien dit, ni là, ni nulle part ailleurs ! En dehors de ses affirmations péremptoires, nul
ne trouvera sur les milliers de pages de son blog la moindre démonstration
sérieuse, même brève, de cette soi-disant « insuffisance épistémologique
». Un tel travail n’a jamais existé chez lui.
A la place, le
lecteur trouvera ce genre d’affirmation ne reposant que sur le principe
d’autorité et visant à renforcer sa crédibilité : « Selon moi, pour l’avoir étudiée à fond,
cette science de l’esprit soi-disant goethéenne n’a pas de fondements crédibles
et l’on s’en aperçoit au bout d’un moment. » (5) Certes, mais encore ? « L’idée maîtresse de cette science goethéenne de
la nature (en réalité steinerienne) est qu’une observation sensible bien menée
peut conduire à la perception spirituelle des êtres de la Nature. »
(6)
Telle est donc l’idée maîtresse de la
science goethéenne, pour celui qui affirme « l’avoir étudiée à
fond » ! Son lecteur ne se doutera en rien qu’une telle « falsification synthétique » n’est
même pas digne d’être appelée une pseudo-présentation ! Si un des lecteurs de G Perra parvient à
trouver sur le blog de l’intéressé une analyse contradictoire relative à
l’approche goethéenne, digne d’être appelée un processus de pensée sérieux,
qu’il ne manque pas de nous en avertir !
La déloyauté intellectuelle
d’un lanceur d’alerte
Pour asseoir davantage sa
crédibilité de spécialiste, Monsieur Perra n’hésite pas à citer nombre
d’ouvrages, mais sans jamais les ouvrir, sauf s’il s’agit d’en extraire un
petit passage à charge, susceptible d’illustrer ce dont il a besoin.
Ainsi par exemple, l’on trouvera, mentionné en passant, le livre de Jos
Verhulst « L’homme, premier né de l’évolution »(7).
Un tel titre serait une occasion rêvée
pour un contradicteur honnête, de produire un écrit argumenté et pertinent sur
cette question. A la place M Perra n’offre à son lectorat que ce genre
de viatique : « Pour les anthroposophes, ce n’est pas l’homme qui a un
ancêtre commun avec les singes, mais les animaux qui descendent de l’homme en
se séparant de lui. » (8)
M Perra ne fait aucunement appel à la pensée de son
public. Il lui jette des bribes conceptuelles dont ceux qui mordent à l’hameçon
raffolent : pensez-donc, des gens qui croient que le singe descend de
l’homme !!! Cela fait son effet ! Pour le reste nous nous trouvons au
milieu d’un désert conceptuel : ni restitution, ni présentation, ni
réfutation… absolument rien ! A la place il distribue à ses lecteurs, ses
« scoops » délirants. Un véritable tour de prestidigitation !
Assurément si ce n’était pas Jean Rostand mais
Rudolf Steiner qui avait dit que l’homme est l’arrière neveu de la limace,
une telle citation figurerait en bonne place dans sa vitrine, et serait
présentée au premier degré.
Les limaces : « langues solitaires parcourant les champs » ou « l’homme, arrière neveu de limace » ?
Tout lecteur sait bien qu’une telle expression émanant de Jean Rostand
n’est qu’une image derrière laquelle se trouve le concept d’évolution des
espèces dans sa version la plus couramment admise à notre époque. Nul ne
saurait duper le public sur la base d’un tel extrait. Mais en ce qui concerne
la démarche goethéenne, nettement moins connue, et la théorie de l’évolution
proposée par Rudolf Steiner il est particulièrement aisé de tronquer les données en omettant
de présenter l’essentiel.
Le public ignore que derrière une image, (qui prise isolément semble
farfelue) réside au même titre que dans l’exemple de Jean Rostand, un certain
nombre de concepts dont l’appropriation est indispensable pour pouvoir replacer
la citation dans son juste contexte. En voici une brève illustration : R
Steiner a très souvent caractérisé la ligne évolutive de l’être humain sous
l’angle d’une non spécialisation anatomique. Ce dernier prétend que la
lignée humaine ne provient pas de branches animales déjà spécialisées mais
conserve un caractère général primitif non spécialisé, ce qui lui confère un
certain équilibre. Selon Steiner, le monde animal en revanche, n’a pas conservé
ce caractère originel mais a été soumis à un processus de spécialisation
organique. Ainsi par exemple, l’ancêtre du cheval possédait encore « quatre
doigts ». Le cheval actuel ne dispose plus que d’un seul « doigt »
hypertrophié correspondant au majeur tandis que le sabot correspond à l’ongle.
Dans ses considérations anatomiques, Steiner caractérise très souvent l’animal
sous l’angle d’une tendance organique hypertrophiée (comme par exemple le
système digestif de la vache avec ses « quatre estomacs »), qu’il dépeint
ensuite, souvent dans un contexte pédagogique, de façon imagée (9).
M. Perra se fait donc un devoir de juxtaposer ce genre d’images,
(lorsqu’elles ne sont pas déformées ou tout bonnement inventées), en faisant
croire à ses lecteurs qu’il s’agit de « révélations délirantes » que Steiner
déversait quotidiennement dans la conscience obscurcie de ses adeptes béats.
Reconnaissons que M Perra porte un soin
particulier à la composition de l’expression la plus ridicule possible, qu’il
fait toujours précéder de son traditionnel « selon Steiner ». Le lanceur
d’alerte a toujours dans sa poche la petite citation fidèle et « référencée »
qu’il peut servir à ses lecteurs en cas de besoin et à titre de preuve.
Un imposteur en guise d’adversaire conceptuel.
Nous comprenons bien que G.Perra
n’a effectivement guère intérêt à ce que son lecteur fasse l’effort de vérifier
ce que contient un ouvrage comme celui de Verhulst, car un tel lecteur se
trouverait devant un gouffre sans passerelle entre la pseudo-présentation des
délires anthroposophiques et la qualité des développements qu’il aurait sous
les yeux. G.Perra sait très bien que s’il devait se placer réellement et
conceptuellement en face de Jos Verhulst, il se couvrirait de ridicule et ne
pourrait guère cacher sa nullité argumentative et conceptuelle plus de quelques
minutes ! En guise « d’adepte », il rencontrerait un véritable chercheur
qui aurait tôt fait de réduire à néant sa grotesque ritournelle.
Je
précise que mon
intention présente n’est nullement de vouloir discuter sur la validité des
arguments proposés par Steiner et Verhulst, mais de montrer, très
objectivement, le fossé existant entre la réalité et le sérieux d’une démarche de
pensée et d’observation scientifique, fut-elle encore marginale sur le plan
médiatique, et la spoliation conceptuelle doublée de falsification que M Perra
présente à son public.
Que le lecteur soucieux de vérifier
véritablement par lui-même, prenne donc connaissance des ouvrages de base de
cette conception goethéenne (10) ou qu’il lise le livre de Jos Verhulst par
exemple, qu’il place ensuite en face tout ce que G Perra a produit au
sujet de la science goethéenne(sur
les milliers de pages de son blog, à part les jugements de valeur, cela tient
en une demi page), et qu’il prenne le risque de se confronter à la
réalité !
Un tel lecteur découvrira sans doute par
quels procédés il a été abusé, et comment, en guise de références honnêtement
citées, il a été baladé de citations à charge en citations apparaissant
délirantes. Il découvrira combien M Perra ne tire sa crédibilité que sur la
confiance que l’on porte à ses prétendues analyses qui commencent en général par ce
genre de mentions : « pour résumer… », « pour l’avoir étudié à fond… », « en
tant que… je crois être en mesure de… ».
La moindre vérification sérieuse fait
déjà vaciller cette confiance. Une étude correcte la fait tomber.
- Grégoire Perra : « L’individualisme éthique des anthroposophes » 26 mars 2018 . La citation est coupée pour des raisons pratiques.
- Cité « les mirages de la science » Pierre Feschote, éditions Les Trois Arches
- G Perra, « morceaux d’anthologie d’un procès » La citation est ici raccourcie
- Voir note 1
- Idem
- Idem
- « L’homme premier-né de l’évolution » Jos Verhulst, Ed Aethera, que Perra cite par exemple dans son faux témoignage intitulé « une emprise et un endoctrinement presqu’indétectable »
- Interview du 29/04/2019 dans Le Point « Les étranges vérités des anthroposophes »
- Nous renvoyons ici le lecteur aux travaux d’une scientifique de renommée mondiale, Yvette Deloison, chercheuse au CNRS, notamment à son ouvrage « Préhistoire du piéton » Ed Plon. Ses études anatomiques l’ont conduites à des conclusions étonnamment semblables à celles de Rudolf Steiner. Affirmant l’origine bipède de l’homme elle remet en question l’idée d’évolution ascendante conduisant à faire descendre l’homme du singe et elle postule très clairement pour l’idée de non spécialisation.
- Contrairement à ce qu’affirme Grégoire Perra, les fondements de la méthode goethéenne ne se trouvent nullement dans le cycle de conférences intitulé « Nature humaine » mais notamment dans les ouvrages suivants : R Steiner : « Goethe, le Galilée de la science du vivant, » éditions Novalis (vivement recommandé à celui qui souhaite découvrir le vrai Steiner) / Goethe : « la métamorphose des plantes » et « traité des couleurs » éditions triades (introductions détaillées de Rudolf Steiner)